Les soutiens de l’influent religieux entendent boycotter une rencontre destinée à débattre de l’organisation du scrutin référendaire. Clairvoyance politique, embarras confessionnel ou calcul politicien ?
Difficile pour un putschiste de détourner le regard des failles constitutionnelles qui ont rendu possibles les dérives justifiant le coup d’État. Tout aussi compliqué est-il, dans des pays sahéliens actuellement perclus d’insécurité, d’emprunter le chemin escarpé de l’adoption d’une nouvelle loi fondamentale dont la légitimité à long terme suppose référendum et donc territoire suffisamment souverain pour l’organisation d’un scrutin. Au four de l’antiterrorisme et au moulin de l’anticolonialisme – notions fusionnées dans l’esprit des plus radicaux –, Assimi Goïta a fait le pari ambitieux de ce parcours du combattant constitutionnel…
Servi par des internautes qui se chargent de diffuser la théorie d’un président de transition consensuel, le colonel a-t-il ouvert, cette fois, la boîte de Pandore ? C’est – à nouveau – du côté du charismatique Mahmoud Dicko que viennent les piques. Dans une déclaration publiée le 9 janvier, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam (CMAS) et d’autres associations religieuses exigent du chef de l’État qu’il sursoie à l’élaboration de la nouvelle charte fondamentale malienne dont l’avant-projet est en voie de finalisation. Ils entendent boycotter la rencontre du 12 janvier initiée par le ministère de l’Administration territoriale, destinée à débattre de l’organisation du scrutin référendaire.
« Mauvaises élections »
Les opposants au projet avancent des arguments de forme et de fond. Sur la forme, le communiqué rappelle qu’aucune disposition du droit ne donne à un président non élu la compétence « pour prendre l’initiative de l’élaboration d’une nouvelle Constitution et de la faire aboutir par voie de référendum ».
Sur le fond, selon le même communiqué, « les causes et la source de la pérennisation de mauvaises élections, de la mauvaise gouvernance, de l’impunité, du népotisme, de l’insécurité et du délitement de l’État » se trouveraient ailleurs que dans la Constitution du 25 février 1992. Chicane subsidiaire : dans d’autres enceintes tout aussi religieuses montent une antienne hostile à une loi fondamentale qui consacrerait le caractère laïc de l’État malien…
C’est toujours dans un flou artistique que ce nouveau bras de fer esquisse la vocation politique présumée de l’imam Dicko. Mobilisateur de talent, atout dans la martingale du candidat Ibrahim Boubacar Keïta puis épine dans le pied du président IBK, le salafiste est aussi devenu le poil à gratter de l’actuel régime de transition. Faiseur et tombeur de rois au Mali, l’ancien professeur d’arabe né vers 1954 aime dire qu’il n’est candidat à aucune fonction politicienne. Ultime démonstration qu’il maîtrise les éléments de langage… politicien.
Jeuneafrique.com