Jeune Guinéen tué par un policier français: l’avocat de la famille veut éclaircir les circonstances de sa mort

Ce jeune Guinéen de 19 ans s’appelait Alhoussein Camara. Il n’avait aucun casier judiciaire. Le 28 juin dernier, l'agent de police responsable pour le tir mortel a été mis en examen pour homicide volontaire, quasiment deux semaines après les faits. Il a ensuite été inculpé, mais les conditions dans lesquelles le jeune homme a trouvé la mort le 14 juin ne sont pas encore élucidées.

La mort du jeune homme de 17 ans, Nahel, en région parisienne lors d’un refus d’obtempérer, a provoqué une crise majeure en France. Mais avant lui, une autre affaire, moins médiatisée, survenait à Angoulême, dans le sud-ouest du pays. Le 14 juin dernier, un Guinéen de 19 ans était tué par un policier lors d’un contrôle routier, dans des circonstances encore floues.

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté en mémoire de de Alhoussein Camara, quatre jours après la mort du jeune Guinéen, tué par un tir de policier lors d'un contrôle routier à Angoulême, le 17 juin 2023.
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté en mémoire de de Alhoussein Camara, quatre jours après la mort du jeune Guinéen, tué par un tir de policier lors d’un contrôle routier à Angoulême, le 17 juin 2023. AFP – THIBAUD MORITZ

 

Contrairement au cas du jeune Nahel, la scène n’a pas été filmée par le policier mis en cause, « bien porteur d’une caméra piéton » mais « dont l’exploitation n’a pas été possible faute de charge suffisante au moment des faits », a affirmé la procureure d’Angoulême lors de la mise en examen de l’agent de police.

L’avocat de la famille, Arié Alimi, a annoncé déposer une demande ce jeudi 6 juillet pour avoir accès au dossier, tenter d’éclaircir les zones d’ombre autour de sa mort, et ainsi apaiser les inquiétudes des proches. L’avocat, interrogé par Alison Hird, de la rédaction en anglais de RFI, déplore le délai de deux semaines entre le décès du jeune homme et l’ouverture de l’information judiciaire.

Arié Alimi, avocat représentant la famille d’Alhoussein Camara

« Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu de mise en examen plus rapide ? Et quand on sait que dans les affaires de violences policières et de morts au volant, il y a souvent des mensonges, il y a souvent une volonté de dissimuler la vérité, soit par les policiers, soit quelquefois par l’institution judiciaire. Évidemment, cela inquiète la famille. Enfin, Alhoussein était quelqu’un qui travaillait, qui avait une vie, et qui allait au travail et qui était sur le chemin du travail (ce matin-là). Évidemment, la famille ne comprend pas du tout pourquoi il se serait retrouvé dans cette situation et pourquoi on lui a tiré dessus. »

D’après les premiers éléments de l’enquête, alors que deux véhicules de police tentaient de le bloquer pour un contrôle, le jeune homme avait enclenché la marche arrière pour repartir ensuite vers l’avant, heurtant les jambes d’un policier, qui avait alors tiré une balle. Les proches de M. Camara ont très vite dénoncé une « bavure ».

De l’usage des armes feux par la police

Après le décès de deux jeunes hommes en juin, tués par des policiers, la question de l’usage de l’arme à feu par les forces de l’ordre lors d’un refus d’obtempérer est largement mise en avant, notamment par certains politiques qui incriminent notamment une loi de 2017 modifiant la légitime défense des policiers

Nahel, 17 ans, tué mardi à Nanterre par un policier alors qu’il prenait la fuite au volant de sa voiture ; Alhoussein Camara, 19 ans, blessé mortellement par un policier à Angoulême en tentant d’échapper à une interpellation lors d’un contrôle routier le 14 juin.

En dix ans, les refus d’obtempérer ont augmenté de plus de 50%, selon les chiffres officiels. Pour tenter de contrer ce phénomène, en 2017, le gouvernement de Bernard Cazeneuve -alors Premier ministre- fait passer une loi « relative à la sécurité publique ». Elle modifie les conditions d’ouverture du feu des policiers, qui étaient jusqu’alors soumis au Code pénal et au principe de la légitime défense, comme tout citoyen. Désormais, le texte permet aux forces de l’ordre d’ouvrir le feu sur un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à celle d’autrui ». Autrement dit, cette loi introduit une notion d’intention, plus floue à définir, dans l’usage de la légitime défense. Mais ce texte est-il à l’origine d’une augmentation des tirs des policiers ?

Selon les chiffres disponibles, en 2017, année du vote de loi, le nombre de tirs a atteint 394… soit 55 % de plus qu’en 2016. Mais, depuis quatre ans, on observe un ralentissement avec, en 2021, 290 cas d’usage d’arme à feu soit seulement 13 % de plus que l’année précédent le vote de la loi.

Néanmoins, le nombre de tirs mortels sur un véhicule en mouvement, c’est-à-dire dans les cas de refus d’obtempérer, lui a augmenté : il est passé de 2 à 2021 à 13 en 2022. Dans un entretien au journal suisse Notre Temps, Sebastian Roché, politologue spécialiste des questions de police, souligne cette singularité française : « En Allemagne, il y a eu un tir mortel en dix ans pour refus d’obtempérer, contre 16 en France depuis un an et demi. On a un écart très marqué avec nos voisins. On a en France un modèle de police assez agressif, qui doit faire peur, davantage que dans les autres pays d’Europe, mais moins qu’aux États-Unis. Et, cette loi déroge à des règles de la Cour européenne des droits de l’homme. ». La police des polices justifie cette hausse des tirs mortels par une intensification des violences envers les forces de l’ordre.

avec AFP

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