En Italie, les migrants déboutés du droit d’asile en recours, et dans l’attente de leur potentielle expulsion, devront verser une caution de 5 000 euros sous peine d’être envoyés en centre de rétention pendant l’examen de leur dossier. Une garantie financière qualifiée de « rançon » par certains médias italiens et par l’opposition.
C’est la dernière mesure en date lancée par l’Italie pour décourager les migrants de venir sur son sol. Un décret paru le 21 septembre au journal officiel prévoit que les exilés en attente d’une décision concernant le recours de leur asile devront verser une caution de 5 000 euros, sous peine d’être envoyés dans un centre de rétention pendant cet examen.
Cette garantie financière, de 4 938 euros précisément, est censée couvrir les frais de logement et de subsistance pour une personne pendant un mois, ainsi que le coût de son rapatriement en cas de rejet définitif de sa demande. Elle sera exigée des personnes ayant tenté de se soustraire aux contrôles à la frontière ainsi qu’à celles provenant d’un pays dit « sûr » et qui, en principe, ne peuvent donc prétendre à l’asile.
Si le requérant « disparaît indûment », la caution dont il s’est acquitté sera prélevée, précise le texte.
Dès sa publication, le décret a été qualifié de « rançon » par le quotidien de gauche La Repubblica et a suscité un tollé du côté de l’opposition. Le maire de Bergame Giorgio Gori (du Parti démocrate, gauche) l’a comparé à « une garantie bancaire à payer par les migrants, s’ils ne se sont pas noyés en Méditerranée », tout en rappelant qu’à une époque le pays a vu « 24 millions de migrants [italiens] essaimer dans le monde entier ».
Le gouvernement « remplit les caisses [de l’État] sur le dos et le désespoir des personnes », a regretté le député Emiliano Fossi, du même parti.
Riccardo Magi, secrétaire national du parti centriste Europa, a ironisé de son côté sur ce qu’il qualifie de « trafic d’êtres humains institutionnel » et de « pot-de-vin discriminatoire ». Le chef de parti s’indigne aussi de « l’illégalité » de cette décision, « puisque la Cour de justice européenne a déjà sanctionné une mesure similaire introduite par la Hongrie en 2020 ».
Dénoncée pour son aspect liberticide, cette mesure entre aussi « en contradiction évidente avec le choix du gouvernement de miser sur les rapatriements, vu que, de facto, cette caution favoriserait l’éloignement des personnes qu’il faudrait renvoyer chez eux”, s’étonne La Repubblica.
Des centres de rétention supplémentaires
La rétention des demandeurs d’asile en recours est en ce moment au cœur des préoccupations du gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni. La semaine dernière, une autre annonce a prévu de porter à 18 mois la durée maximale de rétention des demandeurs déboutés, contre 40 jours renouvelables actuellement (138 jours maximum). Rome entend ainsi éviter que les autorités italiennes soient légalement contraintes de relâcher des étrangers frappés d’une décision de reconduite à la frontière, au cas où la procédure d’expulsion n’ait pas abouti dans le délai imparti.
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Plus tôt cette année déjà, suite au naufrage tragique de Cutro, le gouvernement italien avait publié un autre décret qui prévoyait la création de centres de rétention supplémentaires pour les migrants en provenance de pays considérés comme « sûrs », en attendant un traitement accéléré de leur demande d’asile.
Fin 2022, le gouvernement avait alloué 42,5 millions d’euros pour la création de ces nouvelles structures. Des sites déjà existants, appartenant au ministère de la Défense dans des zones peu peuplées, seront aussi reconvertis.
« Nous espérions mieux »
Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022, le gouvernement Meloni s’échine par tous les moyens à freiner les arrivées de migrants en Italie. Un décret, publié le 2 janvier 2023, restreint ainsi les activités des navires de sauvetage, accusés par Rome d’encourager les migrants à prendre la mer. Les navires humanitaires sont désormais tenus d’effectuer une seule opération de secours à la fois. Ils sont également dans l’obligation de rentrer au port dès qu’un sauvetage est mené, sans attendre dans la zone de recherche maritime, comme c’est souvent le cas, qu’une éventuelle autre alerte surgisse.
Depuis la promulgation de cette loi, les navires se voient également assigner des ports de débarquements dans le nord ou le centre de l’Italie, très éloignés des zones de sauvetage. L’exécutif assure qu’il s’agit de partager équitablement l’accueil des migrants entre régions italiennes. Les ONG dénoncent, elles, des entraves à l’assistance aux migrants.
L’ensemble des mesures anti-migrants promulguées n’ont, jusqu’ici, pas porté leurs fruits. Depuis le 1er janvier 2023, plus de 130 000 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes en petits bateaux d’après le ministère de l’Intérieur, contre 70 000 pour la même période de 2022. Dans une interview à la chaine italienne TG1 diffusée samedi soir Giorgia Meloni a reconnu que « les résultats » n’étaient pas à la hauteur de ses espérances. « C’est clair que nous espérions mieux en matière d’immigration ». « Un problème très complexe », selon elle.
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