La capitale Conakry a été réveillée à l’aube ce samedi par des tirs d’armes automatiques. Mais après quelques heures de cavale, Dadis Camara a été repris et est déjà de retour en prison.
L’ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara, sorti de prison samedi matin par un commando lourdement armé, a été repris et remis derrière les barreaux, ont indiqué l’armée et son avocat.
« Le capitaine Moussa Dadis Camara a été retrouvé sain et sauf et reconduit en prison », a dit à l’AFP le directeur de l’information des armées (Dirpa) Ansouma Toumany Camara, sans préciser les circonstances de la capture. Un des avocats de l’ancien président (2008-2009), Jocamey Haba, a confirmé dans un bref échange avec l’AFP que son client était de retour en cellule.
Seul le colonel Claude Pivi reste introuvable sur les trois ou quatre hommes (selon les sources) tirés de prison au cours d’une opération commando, a dit le directeur de la Dirpa. Il « est activement recherché », mais « il n’a aucune chance de quitter le pays puisque Conakry est quadrillée », a-t-il ajouté.
Des assaillants lourdement armés
Tôt ce samedi matin, l’assaut du commando avait réveillé avant l’aube le centre de la capitale au son des armes automatiques. Un groupe de militaires masqués et lourdement armés était arrivé vers 4 heures (locales et GMT) devant la prison dont ils ont forcé les accès, a dit une source judiciaire sous le couvert de l’anonymat, compte tenu de la sensibilité du sujet. Ils ont déclaré « être venus libérer le capitaine Dadis Camara », a-t-elle dit.
À l’intérieur, les assaillants, qui semblaient connaître les lieux, se sont dirigés vers la cellule du capitaine et l’en ont extrait ainsi que d’autres détenus pour les emmener vers une destination inconnue, a-t-elle ajouté. « Le procureur général m’a confirmé que mon client avait été sorti de prison par des hommes lourdement armés », a dit à l’AFP son avocat, Jocamey Haba, en évoquant la possibilité que son client ait été emmené contre son gré.
L’opération a secoué Kaloum, quartier de la présidence, des institutions, des affaires et d’un certain nombre d’ambassades, mais aussi de la prison centrale. Cet accès de fièvre a immédiatement réveillé le souvenir du putsch, mené à peu près à la même heure, du 5 septembre 2021 quand le colonel Mamady Doumbouya avait pris d’assaut le palais présidentiel avec ses hommes et renversé le président civil Alpha Condé par les armes.
Jugés après le massacre d’opposants réunis dans un stade
Plusieurs sources faisait aussi état de l’évasion Moussa Tiegboro Camara et Claude Pivi, jugés comme Dadis Camara, parmi une dizaine d’anciens responsables militaires et gouvernementaux, pour le massacre de 2009. La Guinée, pays à l’histoire politique tourmentée depuis l’indépendance vis-à-vis de la France, vient d’entrer dans la deuxième année de ce procès, pour lequel Moussa Dadis Camara était détenu depuis le début des audiences en septembre 2022.
Ils répondent d’une litanie de meurtres, actes de torture, viols et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 par les forces de sécurité au stade du 28-Septembre dans la banlieue de Conakry, où s’étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l’opposition, et aux alentours. Au moins 156 personnes y ont été tuées et des centaines blessées, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d’une commission d’enquête mandatée par l’ONU.
Ce procès s’est ouvert en septembre 2022 alors que le nouvel homme fort du pays, le colonel Doumbouya, a promis après son coup de force de refonder l’État guinéen et de faire de la justice sa « boussole ».
Après le putsch de 2021, le colonel Doumbouya s’est fait investir président et s’est engagé sous la pression internationale à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de deux ans à partir de janvier 2023. Les Forces vives de Guinée, collectif de partis et d’organisations d’opposition ont dénoncé des engagements non tenus et une dérive autoritaire, évoquant une « dictature naissante ».
AFP