Même si les chiffres sont en baisse par rapport aux années précédentes, la commissaire Marie Gomez, directrice générale de l’Oprogem, estime que le nombre de cas de viols en Guinée « reste inquiétant ». En 2023, 205 cas ont été recensés à travers le territoire et déférés devant un tribunal. Sur cet ensemble, 100 dossiers concernaient des victimes mineures.
La commissaire Gomez se félicite malgré tout de l’action de ses services, présents dans les 33 préfectures du pays, notamment sur la sensibilisation auprès des communautés. Pour la direction de l’Oprogem, qui a effectué une tournée dans le pays l’an dernier, ce sont désormais les dénonciations de viols qui explosent, et non le nombre de cas.
Mais ces statistiques sont très sous-évaluées. La commissaire Gomez admet que des facteurs culturels et sociétaux continuent de minimiser la gravité du viol et de son caractère criminel. C’est aussi l’avis de Maître Halimatou Camara, avocate guinéenne et militante des droits humains.
RFI : Comment réagissez-vous aux chiffres communiqués dans le bilan de l’Oprogem?
Me Halimatou Camara : Je ne pense pas que ces chiffres reflètent la réalité des choses. Au-delà des questions d’accès à la justice, il y a des questions d’accès à la santé. Le plus souvent, lorsqu’un viol arrive, qu’il a des conséquences parfois irréversibles, il est difficile de poursuivre une plainte parce qu’il faut aller se soigner. Je ne pense pas que ces chiffres-là traduisent la réalité du phénomène. J’ai vu l’interview d’une activiste des droits des femmes à Labé qui dit qu’il y a eu vingt cas de viols en un mois.
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Rien que pour la région de Labé, ça veut dire que si on multipliait par douze mois, on serait déjà à ce chiffre de 200 viols…
Voilà. Donc, ce qui est clair, c’est qu’aujourd’hui le viol perdure et que les réponses ne sont pas adéquates.
Est-ce qu’il ne faudrait pas renforcer l’appareil judiciaire avec des condamnations plus importantes ? Le viol, qui est considéré comme un crime en Guinée, est sanctionné de manière assez faible finalement…
En tant que praticiens du droit, quand nous regardons l’ensemble des dossiers de viols que nous traitons, le plus souvent on voit qu’il y a des juges, que ça soit à Conakry ou à l’intérieur du pays, qui se permettent de minimiser les peines alors qu’il s’agit de crimes. Il y a quelques années, dans une région du pays, un juge avait condamné quelqu’un qui avait violé une jeune femme de 14 ans qui était quasiment déficiente mentale. Toutes les conditions d’aggravation de la peine, en tout cas toutes les circonstances aggravantes, étaient réunies dans cette affaire et le juge avait condamné l’intéressé à une peine de quatre mois d’emprisonnement… Est-ce un problème de formation ? Est-ce un problème de niveau ou est-ce un problème de banalisation ? C’est fou. Je pense qu’il y a un problème de formation qui se pose, mais il y a aussi le fait que l’on banalise ce crime, et cela se retrouve à tous les niveaux.
Rfi