“On veut éteindre ces médias” : en Guinée, la junte ferme les chaînes privées

 

Le régime de Mamady Doumbouya ne cesse de restreindre la liberté de la presse depuis son arrivée au pouvoir. Le pays a franchi un nouveau palier en retirant les agréments et fréquences des trois plus grands groupes de médias privés.

Un homme brandit un journal à Conakry, en septembre 2022, lors de commémorations du CNRD, la junte militaire au pouvoir en Guinée depuis 2021.
Un homme brandit un journal à Conakry, en septembre 2022, lors de commémorations du CNRD, la junte militaire au pouvoir en Guinée depuis 2021. photo CELLOU BINANI/AFP

“Rassurez-vous. On a suffisamment de souffle pour tenir aussi longtemps que les ennemis de la presse sont là contre nous.” Tels sont les propos tenus samedi 25 mai par le représentant du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée, cité par l’hebdomadaire satirique Le Lynx. Après l’annonce des retraits des agréments et des fréquences des principales radios et télévisions privées du pays, le syndicat envisage la possibilité d’une grève générale aux côtés de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée.

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Trois jours plus tôt, le 22 mai, les autorités guinéennes ont franchi une nouvelle étape dans le bâillonnement des médias : “Des cadres de l’Autorité de régulation des postes et télécommunication et un huissier ont débarqué dans les locaux de Djoma média, Fim FM, Espace Fm pour les sommer de couper toute diffusion de leurs antennes”, résume Le Lynx.

“Signal brouillé”

“Une décision radicale qui est tombée comme un coup de massue sur la presse guinéenne”commentait alors le site d’information Le Djely. “Là, on ne parle plus de musellement mais on veut éteindre ces médias-là”, abondait dans ses colonnes Sékou Keïta, rédacteur en chef du groupe Djoma médias. Tout en revenant sur l’acharnement du régime de Mamady Doumbouya, arrivé au pouvoir à la faveur d’un putsch le 5 septembre 2021, contre la liberté de la presse.

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Tout a commencé il y a environ un an, avec des restrictions d’Internet doublées de la coupure de l’accès au site d’info Guinée Matin. Puis, en novembre 2023, le signal de nombreuses radios a été brouillé. En décembre, les principales télévisions privées du bouquet étaient retirées du bouquet Canal Plus.

Le ministre de l’Information et de la Communication a motivé ce nouveau coup de boutoir par une formule lapidaire : le “non-respect du contenu des cahiers des charges”. Puis, le 24 mai, le porte-parole du gouvernement a indiqué que les médias qui se sont vu retirer leur agrément avaient commis des “dérapages” et violé “l’obligation de respect de la dignité de la personne humaine et les exigences de l’unité nationale et de l’ordre public”.

La période de transition prolongée

“On nous renvoie aux misères de l’Antiquité”, a persiflé l’ancien parti au pouvoir, cité par Le Lynx.

Les groupes médias concernés ont quant à eux dénoncé la “violence inacceptable” de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications et “[condamné] avec fermeté ces comportements liberticides qui n’honorent pas notre pays, qui en 2005 avait fait le choix de la liberté de la presse à la place de la censure et de la propagande”.

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Interrogé par le site allemand Deutsche Welle, l’éditorialiste du Djely, Boubacar Sanso Barry, pointe le timing de cette censure massive. Elle coïncide avec un “glissement” annoncé de la durée de la transition, censée initialement s’achever en fin d’année avec le transfert du pouvoir à un dirigeant civil élu.

Or le Premier ministre, Bah Oury, a récemment multiplié les annonces de report des élections. Bâillonner les médias, c’est donc “couper l’herbe sous le pied […] à tous ceux qui voulaient s’opposer à cette logique de glissement, parce que ces médias constituaient un maillon important de cette riposte éventuelle”, selon Sanso Barry.

 

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