« S’ils ont choisi de tenir leur sommet à Niamey, la veille du nôtre, c’est bien parce que nous leur manquons et qu’ils veulent se faire remarquer », ironise le ministre des Affaires étrangères d’un pays de la sous-région. Un autre diplomate originaire d’un pays anglophone sort de son côté l’artillerie lourde : « Tout ce boucan, dit-il, c’est pour s’éterniser au pouvoir… Ils arrêtent leurs opposants, manipulent les opinions publiques et font du spectacle ». Notre interlocuteur ajoute : « dans ces trois pays, les militaires n’ont pas pu vaincre le terrorisme ».
Dans les rangs d’autres délégations déjà présentes ici à Abuja, le ton est plus mesuré. « Il faut tenter encore une fois de convaincre les militaires au pouvoir à Bamako, à Niamey et à Ouagadougou » explique un diplomate. Son voisin de table va plus loin : « Même si le retour au sein de la Cédéao de ces pays n’est pas obtenu, nous devons envisager de signer des accords avec eux dans des domaines comme celui de la lutte contre le terrorisme et la libre-circulation des biens et des personnes ».
L’organisation joue aujourd’hui sa survie
Le sommet de dimanche se tient au moment où l’organisation est à la croisée des chemins. L’an prochain, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest va fêter ses 50 ans (un demi-siècle) et aujourd’hui, la Cédéao joue sa survie. On attend, d’ailleurs, pour le sommet des chefs d’État de dimanche, un état des lieux la Communauté.
Nous le savons déjà, sur le plan financier, c’est la crise. L’organisation n’arrive pas à mobiliser les fonds pour tous ses projets de développement. Le dossier de la monnaie unique « n’avance vraiment pas », nous ont confié des experts. Et sur le plan politique, on ne peut pas dire que la Cédéao a réussi l’intégration sous-régionale dont elle rêvait.
La lutte contre le terrorisme, l’un des défis de la Cédéao
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La lutte contre le terrorisme reste l’un des défis de l’organisation, mais, pour le moment, il est loin d’être gagné. Les jihadistes de Boko Haram au Nigeria, al-Qaïda et l’État islamique du Mali, en passant par le Niger et le Burkina Faso, le terrorisme s’installe, malgré les efforts. Mais les chefs d’État vont probablement parler, dimanche, de la création d’une force antiterroriste. Dans l’espace Cédéao, il y a deux hypothèses : une force de 500 hommes et là, il faut 2,6 milliards de dollars par an pour qu’elle fonctionne. Et deuxième hypothèse, une force de 1 500 soldats et là, il faut environ 500 millions de dollars chaque année.
La difficulté de la Cédéao à appliquer ses propres textes
Cette rencontre d’Abuja se tient au moment où le Mali, le Burkina et le Niger – qui ont claqué la porte de l’organisation -, tiennent un contre-sommet à Niamey. L’autre défi de l’organisation, c’est précisément comment gérer les coups d’État, or la Cédéao n’arrive pas à faire appliquer ses propres textes, notamment ceux concernant les coups d’État. Les pays restent divisés sur la question. Des populations dénoncent le « deux poids-deux mesures » et pour tenter de trouver un nouveau souffle à la Cédéao, une nouvelle respiration à l’organisation, certains proposent déjà l’organisation d’un sommet spécial.
Afin de trouver une solution sur tous ces dossiers, la présidence de la Commission de la Cédéao va proposer au sommet de chefs d’État d’Abuja la convocation prochaine d’un autre sommet, celui-là extraordinaire.
rfi