Vu d’Iran : une humiliation
Pour la République islamique, c’est un coup dur. Un signe que les services de sécurité et de renseignement ont failli, que l’Iran n’a pas été capable de protéger le dirigeant politique du Hamas, qui était un habitué des voyages en terre chiite. Ismaïl Haniyeh était en exil depuis cinq ans et partageait son temps entre le Qatar, où il avait son quartier général, la Turquie et l’Iran où il venait régulièrement chercher un soutien politique, des financements et des armes.
Le chef du Hamas était venu assister à la cérémonie d’investiture du réformateur Massoud Pezeshkian à Téhéran, qui se tenait mardi 30 juillet dans la capitale. Ismaïl Haniyeh a été reçu, avec le chef du Djihad islamique, un autre groupe pro-iranien de la bande de Gaza, par le Guide suprême, Ali Khamenei. « La République islamique défendra son intégrité territoriale, son honneur, sa fierté et sa dignité, et fera regretter aux envahisseurs terroristes leur acte lâche », écrit mercredi 31 juillet le président iranien sur ses réseaux sociaux. Dans un communiqué le Guide suprême promet d’infliger un « châtiment sévère » à Israël. À l’heure actuelle, la forme que prendra la riposte iranienne est encore incertaine.
Vu d’Israël : la libération des otages compromise
La crise pourrait-elle avoir des répercussions directes sur les 115 otages israéliens toujours détenus dans la bande de Gaza ? Chez leurs familles, l’inquiétude est grande. Elles craignent que la première conséquence de l’élimination d’Ismaïl Haniyeh à Téhéran soit l’arrêt de toutes négociations permettant de conclure un accord sur une trêve dans la bande de Gaza. Et également la libération d’au moins certains de leurs proches. Chez les commentateurs, les avis divergent : un certain nombre de spécialistes sécuritaires estiment que la pression militaire accrue sur le Hamas est favorable à la conclusion d’un accord de libération.
Mais la majorité des familles d’otages qui s’expriment mercredi 31 juillet pensent exactement le contraire. Plusieurs proches des otages ont affirmé, qu’une fois de plus, il semble que Benyamin Nétanyahou et son gouvernement fassent tout pour torpiller un accord, après l’assassinat du chef du Hamas. « Un acte lâche, qui ne restera pas sans réponse », menace en réponse un responsable du bureau politique du groupe terroriste.
La classe politique israélienne mutique
L’État hébreu ne revendique pourtant pas cette attaque ciblée à Téhéran. Les responsables politiques ont refusé de s’exprimer sur le sujet, à l’exception de trois ministres d’extrême droite qui affichent sur les réseaux sociaux leur satisfaction de la frappe à Téhéran. Les médias israéliens rappellent que l’Etat hébreux a promis de s’en prendre à tous les responsables de l’attaque du 7 octobre, par la voix du Premier ministre Benyamin Nétanyahou. Et ce, qu’ils se trouvent dans l’enclave palestinienne ou ailleurs dans le monde.
« La mort de Haniyeh rend le monde un peu meilleur. »
Amihai Eliyahu, ministre israélien du Patrimoinesur X (anciennement Twitter)
Le ministre de la Défense Yoav Gallant l’affirme : « Israël ne veut pas la guerre mais nous nous préparons à toutes les éventualités ». Un nouveau front s’ouvre, face à l’Iran et ses alliés, comme les rebelles du Yemen, et le Hezbollah après la frappe sur Beyrouth mardi 29 juillet.
La crainte internationale d’une déstabilisation de la région
Aujourd’hui, le risque d’une telle escalade régionale est la préoccupation majeure de la communauté internationale. Pékin a été l’une des premières capitales à s’exprimer, mercredi 31 juillet. « Nous condamnons cet assassinat », a déclaré un porte-parole de la diplomatie chinoise. La Chine entretient de bonnes relations avec Israël mais elle soutient également depuis des décennies la cause palestinienne, reconnaît un Etat de Palestine et milite pour une solution à deux Etats.
« Si la communauté internationale ne prend pas des mesures pour arrêter Israël, notre région sera confrontée à des conflits bien plus importants. »
Ministère turc des Affaires étrangères
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a, de son côté, condamné mercredi l’« assassinat perfide » à Téhéran de son « frère », le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh. « Une fois de plus, il a été démontré que le gouvernement Netanyahu n’a aucune intention de parvenir à la paix » estiment les services de Hakan Fidan, chef de la diplomatie turque. La Chine, la Russie et la Turquie l’ont aussi condamnée. De même que les rebelles yéménites houthis et le Hezbollah, deux groupes qui forment avec le Hamas ce que l’Iran appelle « l’axe de résistance » contre Israël.
AFP