Plus de quinze ans après les faits, Sékouba Konaté sort de son silence. Interrogé par la chaîne VOX Africa, l’ancien président de la transition est revenu sur les audits controversés menés à la veille de la présidentielle de 2010 — une période de forte tension politique en Guinée.
Dans un ton direct et sans détour, il a accusé Cellou Dalein Diallo, ancien Premier ministre et principal opposant politique, d’avoir reconnu des faits liés à l’affaire Air Guinée, pour lesquels il aurait dû, selon lui, être incarcéré.
« Même le gars-là qui dit qu’il a gagné l’élection présidentielle de 2010… Moi, j’étais le président des audits. Je sais qu’il devait aller en prison, parce qu’il a tout reconnu, il a signé tout. Ce jour-là, c’est moi qui ai dit non, on ne va pas l’envoyer en prison », a déclaré Sékouba Konaté.
L’ancien chef d’État affirme avoir pris la décision de ne pas faire incarcérer Cellou Dalein Diallo, malgré les recommandations des auditeurs.
« Il ne faut pas qu’il continue à parler, sinon je dirai d’autres choses contre lui », a-t-il ajouté sur un ton menaçant.
Ces déclarations font référence aux audits initiés en 2009 par le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), dirigé alors par le capitaine Moussa Dadis Camara. L’objectif officiel était d’enquêter sur la gestion économique des anciens régimes, mais de nombreux observateurs avaient dénoncé un règlement de comptes politique, visant particulièrement les figures susceptibles de se présenter à la présidentielle de 2010.
À l’époque, Ousmane Kaba présidait la commission des audits. Plusieurs hauts fonctionnaires et anciens ministres avaient été publiquement mis en cause dans ce qu’on a surnommé le “Dadis Show”, diffusé à la télévision nationale.
L’un des dossiers emblématiques de cette période reste celui de la privatisation d’Air Guinée, intervenue sous le régime du général Lansana Conté.
Selon Sékouba Konaté, Cellou Dalein Diallo aurait reconnu sa responsabilité dans cette affaire :
« Il a dit lui-même : je reconnais l’affaire d’Air Guinée, ça… ça… ça. Ce jour-là, on devait l’envoyer en prison. C’est moi qui ai dit non. »
Pourtant, dans les années suivantes, Mamadou Sylla, l’homme d’affaires ayant racheté la compagnie, avait publiquement blanchi Cellou Dalein Diallo, affirmant qu’il n’avait commis aucune irrégularité.
Cette sortie de Sékouba Konaté intervient dans un contexte où les relations entre anciens dirigeants de la transition et les leaders politiques restent tendues.
Depuis plusieurs années, des partisans de Cellou Dalein Diallo soutiennent que Konaté aurait favorisé Alpha Condé lors du second tour de la présidentielle de 2010 — une accusation que l’ex-chef d’État n’a jamais digérée.
Selon certains observateurs, cette interview serait une réponse directe à ces accusations.
Pour l’heure, Cellou Dalein Diallo n’a pas réagi publiquement à ces nouvelles accusations.
Mais dans l’entourage de l’UFDG, on évoque une manœuvre politique tardive visant à ternir l’image de leur leader, toujours considéré comme une figure majeure de l’opposition guinéenne.
Quinze ans après la transition, cette sortie de Sékouba Konaté ravive de vieilles plaies dans la vie politique guinéenne.
Entre règlements de comptes du passé et rivalités persistantes, l’affaire Air Guinée semble une fois de plus servir de terrain d’affrontement entre anciens compagnons du pouvoir et opposants historiques.
Rama Diallo



