L’histoire de la Guinée est encore incomplète et elle oublie encore trop souvent celle qui n’ont pas fait allégeance au régime dictatorial qui s’est mis en place après l’indépendance du pays. Lors des fêtes nationales, pas un mot n’a été prononcé pour commémorer les Barry Ibrahima, dit Barry III, ni Barry Diawadou, comme tant d’autres, qui gisent tous dans des fosses inconnues de leurs familles, après avoir été couverts de mensonges, arrêtés, humiliés, torturés et ont eu leurs biens confisqués. Aucune tentative de réhabilitation à leur égard n’a été initiée, alors que leur bourreau a souvent été glorifié. Dans ce billet, nous essayerons de mieux connaître Barry Diawadou, leader de l’indépendance de la Guinée, puis victime du régime de Sékou Touré:
Diplômé de l’Ecole Normale William Ponty de Gorée, section administration, il participa à la 2ème Guerre mondiale et obtint le grade de Sergent chef. Il fut élu député plusieurs fois à l’Assemblée nationale française. Dans un article publié sur le site “La Plume Plus”, Mody Boubakar Diallo écrit:
Il fut le premier leader guinéen à donner le mot d’ordre à ses militants de voter ‘’ Non’’ au référendum proposé par le général De Gaulle, en vue d’une indépendance de la Guinée. Par ailleurs, il fut le premier leader à renoncer à tous les avantages dont il bénéficiait auprès de la France à savoir: Sa pension d’ancien combattant, ses biens matériels, sa pension de député à l’assemblée nationale française, sa nationalité française, tout ceci dans le seul but de favoriser l’accession de son pays à l’indépendance totale par patriotisme. En plus de tout cela, en 1959, quelques mois après l’indépendance, il refusera fermement l’offre de la France , de mettre à sa disposition de l’argent et une armée, pour un vote en faveur du « oui » évitant ainsi un bain de sang à son peuple. A noter que Barry Diawadou sauva de justesse le président Sékou Touré en lui recommandant de refuser de monter dans l’avion militaire devant le conduire à Dakar. La raison était très simple, les français voulaient le larguer en haute mer après son discours du 25 août 1958 à De Gaulle.
Dans son livre intitulé “Guinée, Le temps des fripouilles” Sako Kondé le décrit ainsi, en citant une phrase de Sékou Touré :
Un homme d’une honnêteté intellectuelle et d’un sens du bien public exemplaires. Certains ont pu dire de lui qu’il était « trop droit pour réussir en politique ». C’est sans doute, vrai… Beaucoup d’entre eux se souviennent de cette entrevue qu’il eut avec Sékou Touré à la veille du référendum : celui-ci vint le trouver pour lui dire en substance : « Le sort de la Guinée est entre tes mains ; tout dépendra de toi”
Dans son livre Expérience guinéenne et Unité africaine ,Sékou Touré, avant sa dérive autoritaire totale, a écrit:
A l’avance, je vous dirai que chez ce camarade, nous avons constaté une parfaite loyauté.
Sako Kondé nous décrit la situation politique qui prévalait en Guinée et son évolution, juste après son accession à l’indépendance:
A la veille du référendum il y avait, outre la section guinéenne du R.D.A., deux principales formations politiques minoritaires : le Bloc Africain de Guinée (B.A.G.) et le Mouvement Africain Socialiste (M.S.A.), dirigées respectivement par Barry Diawadou et Barry Ibrahima dit Barry III, tous deux assassinés depuis par leur ancien adversaire. L’« accord » entre ces deux partis et le P.D.G. intervint dans les tout premiers jours de l’indépendance. Sékou Touré pouvait alors exulter et déclarer que « notre peuple avait » transcendé les contradictions mineures qui le divisaient en de nombreux partis politiques » ; et que leur « unité » « donnait à l’option de la Guinée son entière signification politique et morale ». La population venait de rejeter la Communauté à plus de 94 %, conformément aux consignes concordantes de tous les dirigeants de parti. Mais s’agissait-il véritablement d’accord, d’unité ? Les faits n’allaient pas tarder à montrer que cette obscure convention entre états-majors n’était rien d’autre que l’arrêt de mort des partis minoritaires. Certes, leurs deux dirigeants étaient entrés dans le gouvernement P.D.G. Mais, en pratique, ils étaient désormais coupés de leur base, laquelle fut, en quelque sorte, aussitôt phagocytée par le parti unique. Et, déjà, le chef de cette dernière formation fourbissait ses armes et construisait, pièce par pièce sa machine à asservir.
Et d’ajouter à son analyse de la fourberie et des tendances dictatoriales de Sékou Touré, qui profita de la bonne foi ces deux dirigeants nationalistes:
Barry Diawadou est tombé victime d’un adversaire (Sékou Touré) bien plus à l’aise dans les marécages de la basse « politique politicienne » que sur le chantier de la construction nationale. L’histoire sait jouer des tours révoltants où l’on voit les tricheurs, les ignares, prendre le pas sur les honnêtes, les capables. Ce fut bien à un de ces tours qu’on assista en Guinée dans les premiers jours de l’indépendance. Que retenir de tout cela ?
Le site campboiro.org décrit l’acharnement de Sékou Touré contre Barry Diawadou et sa famille. Son père, ses frères, un de ses fils, deux neveux et un gendre connurent la prison. Tout comme lui, son frère n’en survivra pas. Voici une vidéo qui retrace les souvenirs des familles dans cette prison:
https://www.youtube.com/watch?v=dQxKNo2kxk4
Camara Kaba 41, dans son livre “Dans la Guinée de Sékou Touré : cela a bien eu lieu” nous donne une description à faire venir faire couler les larmes, même après tant d’années:
Ils étaient méconnaissables avec leur maigreur extrême et surtout avec leur barbe de plusieurs mois. A gauche de Fodéba, son ami Fofana Karim, ministre des Mines et de la Géologie. Kaman était à l’extrême droite. Il creusait sa tombe sous les baïonnettes de ses soldats d’hier. Depuis 2 heures du matin, ces infortunés creusent. A 4 heures 15 le trou du plus vaillant arrivait tout juste à ses genoux.
Tant que l’histoire ne sera pas ré-écrite avec toute la nation, il n’y aura que les parents et amis pour se rappeler de ces illustres disparus.